Docteur Étienne Brain, un médecin au chevet des patients âgés

Ils font Saint Cloud 06/09/2022

Récemment lauréat du Byrl James Kennedy Award for Scientific Excellence in Geriatric Oncology, le Docteur Brain est une figure de l’institut Curie de Saint- Cloud, attaché à la dimension humaine du traitement des cancers, surtout chez les sujets âgés.

Avec son air souvent un peu étonné, le Docteur Brain se définit avant tout comme le fruit d’un arbre généalogique aux racines diverses, qu’il détaille avec tendresse. La première branche marquante est un arrière-grand-père équatorien, directeur de la Santé de El Austro et doyen de la faculté de médecine de Cuenca, une des grandes villes du pays.

Son fils, devenu médecin mais aussi diplomate, émigre à Paris à la Belle Époque où il se lance dans la chirurgie plastique débutant en Europe. Marié avec une Alsacienne, il rencontre plusieurs fois Marie Curie, ce qui naturellement marquera son petit-fils, pilier de l’institut Curie… Le jeune Étienne décide très tôt de reprendre le flambeau (ou le caducée, en l’occurrence) et de devenir médecin à son tour. Sa vocation initiale est la chirurgie orthopédique pédiatrique à laquelle il s’initie grâce à un ami de son grand-père, dont il devient « l’aide opératoire » à l’hôpital Necker-Enfants Malades.

De Saint-Cloud à Saint-Cloud, une conversion

Le jeune interne croit sa voie toute tracée, jusqu’à ce qu’en 1989, un semestre à Saint-Cloud au Centre René-Huguenin (devant fusionner en 2010 avec l’Institut Curie) le bouleverse assez pour le faire dévier définitivement du bloc opératoire vers l’oncologie médicale (la prise en charge des traitements médicamenteux du cancer) où il voit un accompagnement plus concret des patients, notamment des femmes atteintes d’un cancer du sein, lequel représente la première tumeur prise en charge au Centre René-Huguenin. L’urgence lui semble être non seulement d’apporter la thérapie la plus efficace possible, mais aussi de mieux écouter ces patients déstabilisés par l’annonce de la maladie, angoissés et fatigués par les traitements.

Le jeune médecin apprend la nécessité des mots et la puissance de la parole, prend conscience du rôle de l’empathie dans l’accompagnement. Il enchaîne les stages dans de grands services de cancérologie. Une expérience aux États-Unis le marque à jamais : dans le centre anti-cancéreux où il est accueilli, une erreur de dosage dans l’administration d’une chimiothérapie entraîne le décès de la patiente, journaliste dans un grand quotidien de la côte Est. La suite du séjour du Docteur Brain sera donc consacrée à des recherches poussées en pharmacologie. De retour en France, en 1998, le médecin choisit de revenir au Centre René- Huguenin pour y exercer, d’abord comme assistant résident, puis médecin praticien, avant d’être nommé Directeur Délégué à la Recherche jusqu’à la fusion avec l’Institut Curie, tout en soutenant sa thèse de sciences en 2005, puis son habilitation à diriger des recherches en 2010.

La révolution anti-âgisme

À mesure qu’il avance dans sa carrière, le Docteur Brain se tourne vers l’oncogériatrie, l’oncologie destinée aux sujets âgés qui sont en réalité les plus nombreux à être touchés par le cancer, discipline qui fait collaborer oncologues et gériatres. Il se montre toujours plus sensible à l’apport d’une prise en charge plus globale (les anglo-saxons disent « holistique ») du cancer chez ces patients âgés, incluant une meilleure écoute de la personne dans toutes ses dimensions et sa temporalité pour ajuster et personnaliser le traitement. S’intéressant plus particulièrement au traitement du cancer du sein chez les patientes de plus de 70 ans, il tente de trouver l’équilibre entre l’attaque de la maladie proprement dite, la préservation de la qualité de vie de la patiente, et le respect de ses choix, conduisant depuis 2008 des essais cliniques avec le groupe GERICO à Unicancer, qui rassemble tous les centres de lutte contre le cancer en France. À l’Institut Curie, le Docteur Brain trouve la charnière qui articule soin et recherche, attention présente au malade et espoir de progrès pour les soins futurs.

Une reconnaissance exceptionnelle

Pour cette double approche, sa persistance dans ses travaux, son engagement national et au-delà des frontières (avec la Société Internationale d’Oncogériatrie www.siog.org) dans la formation des jeunes générations de médecins à cette pratique partagée entre oncologues et gériatres, il vient de se voir distingué par l’ASCO, l’American Society of Clinical Oncology, pour sa « contribution exceptionnelle » à l’oncogériatrie. L’attribution à un Français du Byrl James Kennedy Geriatric Oncology Award est assez rare pour que l’on mesure l’importance des recherches menées par le Docteur Brain. Lors de ce congrès, à Chicago, il a ainsi présenté l’étude ASTER 70s (GERICO 11), un essai mené avec Unicancer sur près de 2 000 patientes françaises et belges de plus de 70 ans pour tenter de mieux cerner les bonnes indications de chimiothérapie après chirurgie, comparant l’association chimiothérapie et hormonothérapie à une hormonothérapie seule. Les résultats de cet essai le confortent dans l’idée qu’à cet âge, bien d’autres choses comptent autant que la seule durée de vie, et qu’il faut davantage réfléchir en termes de qualité de vie et d’autonomie préservée. Avec son air de jeune homme de 55 ans, Étienne Brain agit au quotidien contre l’ « âgisme », présent partout dans la société, les médias, et qui, en médecine, fait les pires ravages. Attaché à replacer ceux qu’il appelle tendrement « les vieux » au coeur de la recherche médicale, l’homme à l’éternel noeud papillon et qui raffole des opéras bouffes d’Offenbach est un véritable révolutionnaire, comme on en rencontre trop peu !

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