Céline Martinez, le combat des aidants

Ils font Saint Cloud 09/05/2023

Son emploi du temps conjugue plusieurs vies en une. Depuis la naissance de son troisième enfant, qui souffre d’une maladie rare, elle porte haut le flambeau de celles et ceux qui, comme elle, accompagnent au quotidien un proche et restent souvent dans l’ombre : les aidants.

Quand nous nous retrouvons vers midi, Céline Martinez vient de passer une partie de la nuit à s’occuper de son fils, William, 14 ans, porteur du syndrome Prader-Willi, une anomalie du chromosome 15, maladie rare et synonyme de handicap important.

« Nous avons eu très tôt le diagnostic de son handicap. Un tsunami d’émotions, de vérités, de réalités mais aussi un sentiment d’abandon car nous avons été livrés à nous-mêmes. Les deux premières années ont été très dures mais je voulais avant tout sauver mon fils. J’ai eu la chance de ne pas avoir à travailler, mon mari ayant un travail stable. »

Céline se consacre alors entièrement à William et compense pendant les premières années le handicap de son fils, en faisant avec lui et pour lui tous les gestes du quotidien qu’il n’arrive pas à acquérir. « William gère ses ressentis comme un enfant de deux ans. Chaque frustration, chaque changement peuvent engendrer de violentes réactions et surtout, il n’a pas de sensation de satiété. Un état qui envahit les journées et les nuits de la famille. »

La Clodoaldienne endosse le rôle d’aidante qu’elle ne quitte plus et auquel rien ne l’avait préparée. « Il faut identifier ce que l’on fait comme aidant pour ne pas mettre sa propre santé en danger, ce qui a été mon cas. J’ai accepté la maladie de mon fils. Elle m’imposait des diktats, je les ai suivis. Mon fils ne voulait plus marcher, je m’asseyais avec lui et je lisais un livre. »

Retrouver sa place

Alors que sa vie est organisée entièrement autour de William, comment garder du temps pour les autres membres de la famille, la maison et une vie professionnelle, même à temps partiel ? « Quand je suis avec mes aînés, nous savons que notre temps est compté, alors nous allons à l’essentiel ! Ma vie sociale est plus compliquée : j’ai des amis bien sûr, mais en même temps je n’ai personne. Je ne peux pas inviter une copine à la maison quand mon fils est présent, il ne peut pas rester seul. Les échanges sur les réseaux sociaux prennent souvent le pas sur les rencontres ordinaires d’une vie. »

En 2019, William intègre un institut spécialisé. Céline Martinez reprend alors une activité professionnelle de psychologue-clinicienne qu’elle exerce à temps partiel en freelance à l’Espace Guimel, à Garches . « Je suis constamment dans une gestion d’équilibriste entre ma vie d’aidante et de mère auprès de William et ma vie professionnelle. » Elle ne baisse pas les bras et met son énergie au service du combat en faveur des aidants.

Un aidant, c’est un soldat confronté à une situation à laquelle il n’est absolument pas préparé. Dans la vie, on nous apprend à lire, à écrire, à trouver un métier… mais pas à ça.

Aider… les aidants !

« Je me suis rapprochée de La Compagnie des aidants en 2016 en participant à un focus groupe pour témoigner de nos problèmes communs, puis j’ai représenté l’association cofondée et dirigée par Claudie Kulak à l’occasion d’une émission de radio sur les maladies rares et d’un colloque organisé par le Conseil régional d’Île-de- France qui m’a permis de rencontrer d’autres personnes très impliquées comme Amarenta Bourgeois, responsable de l’association nationale Jade, tournée vers les jeunes aidants. Depuis, je prends la parole régulièrement pour expliquer ce que près de 12 millions de personnes aidantes vivent en France au quotidien, notre isolement, nos batailles. Je suis consultante psychologue pour l’association. Je participe aux projets pour trouver des solutions ressources pour des familles qui élèvent des enfants porteurs d’un handicap. Je passe également une heure par semaine sur une plateforme digitale d’écoute. C’est un premier pas qui permet de faire rentrer le monde extérieur dans la vie des aidants. Ils se sentent moins seuls. Cela leur permet de ne pas être dans un huis clos permanent avec leur enfant. »

Être toujours en alerte

On retrouve tout naturellement Céline Martinez à la Commission Communale pour l’Accessibilité de Saint-Cloud, aux côtés d’autres acteurs du domaine du handicap « C’est important de s’impliquer, d’exprimer ses besoins et ses attentes. Nous avons beaucoup d’idées à partager ! »

Mais le combat doit être mené à l’échelle nationale, pour tous : « Même s’il y a eu des avancées, nous attendons de l’ARS qu’elle prenne en compte les besoins des familles. Il y a tant de choses simples à faire pour soutenir les familles touchées par le handicap qui se démènent mais restent mal informées et pas assez aidées. Au Québec par exemple, les familles sont accompagnées par un référent sur les parcours de soins et de l’aidant. Il faut aussi penser au répit des personnes porteuses de handicap, par rapport à la famille, aux soins… elles ont besoin de lâcher-prise, de calme. Il faut enfin parler des aidants eux-mêmes, qui ne peuvent pas avoir le recul nécessaire, et leur tendre la main ! Nous sommes dans les gestes du quotidien, comme des soldats ou des pompiers, sans répit. Il faut oser prendre du temps pour soi. »

De son temps libre, ou volé, est né un livre, à paraître, qui raconte sa vie, son parcours, en toute transparence. Comment arriver à combiner tout cela en une seule vie ? « Faire peu, faire simple et le faire très bien. » Un objectif, ô combien exigeant, que chacun devrait faire sien.

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